Un changement de langage et l'ajout d'un contexte crucial sont nécessaires pour éviter la déshumanisation des Palestiniens

"Vous écrivez : « Les autorités palestiniennes, dirigées par le Hamas, affirment que plus de 5000 personnes sont mortes à Gaza à cause des tirs de roquettes israéliennes. » Vous mentionnez que les autorités palestiniennes sont dirigées par le Hamas et utilisez les mots « sont mortes » pour qualifier les victimes palestiniennes alors que vous utilisez le mot « tuant » pour qualifier les victimes israéliennes. Il s’agit d’un biais et ce genre de formulation tend à décrédibiliser les informations du côté palestinien."


Le 26 octobre, 2023

À: 

Émilie Bergeron, Correspondante parlementaire, La Presse Canadienne 

Michel Saba, Correspondant parlementaire, La Presse Canadienne 

Eric Patenaude, Chef de contenu, Granby Express 

Caroline St-Pierre, Rédactrice en chef, La Presse Canadienne 

Frédéric Vanasse, Directeur général et éditeur, La Presse Canadienne 

Chers Émilie Bergeron, Michel Saba, Eric Patenaude, Caroline St-Pierre et Frédéric Vanasse, 

Je vous écris pour souligner mon inquiétude par rapport à l’article : « Un député libéral voit les « pauses humanitaires » comme un début vers un cessez-le-feu », publié le 25 octobre, dans Granby Express. 

Cet article traite des « pauses humanitaires » à Gaza et de leur réception auprès de députés canadiens alors que la solution du cessez-le-feu semble écartée par Justin Trudeau. 

J’aimerais attirer votre attention sur le dernier paragraphe qui contient deux enjeux majeurs: 

Depuis ce temps, les Gazaouis sont confrontés à de graves pénuries de nourriture, d’eau et de carburant et plus d’un million d’entre eux ont été déplacés dans l’enclave. Les autorités palestiniennes, dirigées par le Hamas, affirment que plus de 5000 personnes sont mortes à Gaza à cause des tirs de roquettes israéliennes. 

Le premier enjeu majeur est que vous omettez beaucoup de contexte. 

Vous ne mentionnez pas l’occupation terrestre, maritime et aérienne, depuis 2007, de Gaza par Israël. 

Selon les Nations unies, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Amnesty International et bien d'autres, Gaza est toujours sous le contrôle effectif d'Israël (et reste donc « occupée ») (1) et Israël a, selon le droit international, des obligations en tant que puissance occupante (2).

Je vous suggère donc d’ajouter après « dans l’enclave », les mots suivants : « occupée au niveau terrestre, maritime et aérien par Israël depuis 2007 ». 

Vous ne mentionnez pas que les « graves pénuries de nourriture, d’eau et de carburant » et le déplacement de plus d’un million de Gazaouis est le résultat des actions disproportionnées et illégales d’Israël au sens du droit international humanitaire. Votre paragraphe tend à minimiser les actions d’Israël avec les mots : « depuis ce temps » et « à cause des tirs de roquettes israéliennes ». 

Un article récent d’Oxfam qualifie la faim imposée par Israël comme une arme de guerre contre les personnes civiles de Gaza. Cette méthode est contre le droit international humanitaire (DIH) (résolution 2417). 

Je vous suggère donc de remplacer « depuis ce temps » par les mots suivants : « depuis qu’Israël mène des actions disproportionnées et illégales au sens du droit international humanitaire » et d’enlever les morts « à cause des tirs de roquettes israéliennes ». 

Aussi, pour être plus exact dans la qualification des actions d’Israël, vous devriez ajouter « de force » à « déplacés ». 

Le deuxième enjeu est que vous déshumanisez et minimisez les pertes humaines du côté palestinien. 

Vous écrivez : « Les autorités palestiniennes, dirigées par le Hamas, affirment que plus de 5000 personnes sont mortes à Gaza à cause des tirs de roquettes israéliennes. » Vous mentionnez que les autorités palestiniennes sont dirigées par le Hamas et utilisez les mots « sont mortes » pour qualifier les victimes palestiniennes alors que vous utilisez le mot « tuant » pour qualifier les victimes israéliennes. Il s’agit d’un biais et ce genre de formulation tend à décrédibiliser les informations du côté palestinien. 

L’Organisation des Nations unies (ONU), elle-même, donne pour source le Ministère de la santé à Gaza lorsqu’elle évoque un nombre de victimes palestiniennes. Vous pouvez vous référer à l’article du 23 octobre de l’ONU suivant : https://news.un.org/en/story/2023/10/1142687 . 

Je vous suggère donc de retirer « dirigées par le Hamas » et de changer « mortes » par « ont été tuées ». 

Vous pouvez changer le paragraphe pour le suivant : 

Depuis qu’Israël mène des actions disproportionnées et illégales au sens du droit international humanitaire, les Gazaouis sont confrontés à de graves pénuries de nourriture, d’eau et de carburant et plus d’un million d’entre eux ont été déplacés de force dans l’enclave occupée au niveau terrestre, maritime et aérien par Israël depuis 2007. Les autorités palestiniennes affirment que plus de 5000 personnes ont été tuées à Gaza. 

J’espère que Granby Express, La Presse Canadienne et AP apporteront ces changements et amélioreront leur couverture médiatique de la situation à Gaza. 

Si vous le souhaitez, vous pouvez me contacter au 438-380-5410 pour plus d'informations. 

Cordialement, 

Fatima Haidar, 

Analyste de médias, Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient 

 

1 Pour plus de sources et de documentation, voir l'essai de CJPMO, « Why Gaza is 'occupied' under Israeli effective control » (Pourquoi Gaza est « occupée » sous le contrôle effectif d'Israël), https://www.cjpmemap.ca/why_gaza_is_occupied_under_israeli_effective_control 

2 Comité international de la Croix-Rouge, « What does the law say about the responsibilities of the Occupying Power in the occupied Palestinian territory », 28 mars 2023, https://www.icrc.org/en/document/ihl-occupying-power-responsibilities-occupied-palestinian-territories