« Alors que nous sommes aux portes d’une guerre régionale, il convient de remettre en question les affirmations d'Israël, en particulier celle-ci, car elle sert la stratégie d'Israël à trouver une excuse pour déclencher une guerre régionale et à ne pas vouloir de cessez-le-feu. Madame Drolet a manqué à son devoir journalistique de corriger Madame Vahramian sur cette phrase. »
16 août 2024
À:
Julie Drolet, Présentatrice, ICI RDI, Radio-Canada
Maxime Bertrand, Directrice des Relations citoyennes, Service de l’information, Radio-
Canada
Agnès Vahramian, Correspondante permanente, Jérusalem, France Télévision
Pierre Champoux, Ombudsman, Radio-Canada
Chères Julie Drolet, Maxime Bertrand, Agnès Vahramian et cher Pierre Champoux,
Je vous écris pour demander une correction pour une inexactitude dans l’extrait : « Tensions entre l’Iran et Israël : entrevue avec Agnès Vahramian à Jérusalem » publié le 13 août sur le site de Radio-Canada.
Cet extrait est une entrevue, menée par Madame Julie Drolet, avec Madame Agnès Vahramian, correspondante permanente de France Télévision à Jérusalem. Dans cet extrait, Madame Vahramian élabore sur la façon dont Israël et les Israéliens se préparent en vue d’une possible réponse de l’Iran à la suite de l’assassinat d’Ismaël Haniyeh, un des chefs du Hamas.
Dans cette entrevue, Madame Vahramian dit l’inexactitude suivante : « Vous savez, le Hezbollah qui a tué 12 enfants israéliens récemment dans le Nord ».
Cette phrase seule contient trois erreurs : la position géographique de cet événement, la nationalité des 12 enfants et la responsabilité de la mort des 12 enfants.
Commençons par la position géographique de l’événement.
Dire « dans le Nord » n’est pas exact étant donné qu’il s’agit du village de Majdal Shams dans le plateau du Golan.
Le plateau du Golan est reconnu internationalement comme un territoire syrien occupé par Israël depuis 1967. La politique étrangère canadienne reconnaît même que la présence d'Israël sur le plateau du Golan est une « occupation ». Affaires mondiales Canada déclare explicitement que « le Canada ne reconnaît pas le contrôle permanent exercé par Israël sur les territoires occupés en 1967 (le plateau du Golan, la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza) »[1].
Dire « dans le Nord » revient à accepter la tentative d'annexion du plateau du Golan par Israël qui n'est pas reconnue par la communauté internationale, y compris par bon nombre des alliés les plus proches d'Israël, dont le Canada.
Ensuite, et en lien avec le premier point, les 12 enfants ne peuvent pas être identifiés comme Israéliens. Il est non seulement inexact, mais une manière subtile d’accepter la tentative de colonisation du territoire par Israël et non son statut d’occupation reconnu internationalement.
Les 12 enfants tués ne sont pas Israéliens. Ils sont des Druzes Syriens. Ils n'ont pas la nationalité israélienne et refusent de l’avoir. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a tenté d'organiser une rencontre avec les familles des victimes, mais celles-ci ont refusé de le rencontrer. Une vidéo montre un Druze Syrien de Majdal Shams empêchant des ministres israéliens d'assister aux funérailles des 12 enfants, et une personne est filmée en train de crier : « Sors d'ici, criminel, nous ne voulons pas de toi au Golan. »
Enfin, il est inexact d’attribuer la responsabilité au Hezbollah pour la mort des 12 enfants.
Comme de nombreux experts l'ont déjà indiqué, il serait absurde que le Hezbollah lance une attaque sur le plateau du Golan, qui est un territoire syrien occupé par Israël depuis 1967, alors que le Hezbollah est un allié de la Syrie.
Hezbollah a même nié être responsable de la mort de ces 12 enfants. Plusieurs témoins qui étaient présents au moment de l’événement ont affirmé que c’est un dysfonctionnement du Dôme de fer de ne pas avoir intercepter le missile. D'autres ont affirmé que c’est un accident et que le missile du Hezbollah n’était pas destiné à atterrir sur le camp.
Associated Press n'a pas été en mesure de vérifier qui était responsable. Si AP n'est pas disposée à attribuer la responsabilité à qui que ce soit après une enquête, qu’est-ce qui donne l’autorité à Madame Vahramian à le faire?
Quoi qu'il en soit, les faits exacts sont contestés et on ne peut attribuer une responsabilité directe à qui que ce soit et, encore moins au Hezbollah, pour la mort des 12 enfants.
Alors que nous sommes aux portes d’une guerre régionale, il convient de remettre en question les affirmations d'Israël, en particulier celle-ci, car elle sert la stratégie d'Israël à trouver une excuse pour déclencher une guerre régionale et à ne pas vouloir de cessez-le-feu. Madame Drolet a manqué à son devoir journalistique de corriger Madame Vahramian sur cette phrase.
Je demande donc à Radio-Canada de s’excuser et d’apporter une correction dans le prochain bulletin d’info d’ICI RDI de Radio-Canada pour indiquer la nationalité exacte des enfants et nuancer la responsabilité de l’attaque.
Cordialement,
Fatima Haidar,
Analyste des médias et des politiques, Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient
[1] “Why the West Bank is ‘Occupied’ and not just ‘disputed,” Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient (CJPMO), dernier accès: 15 août 2024, https://www.cjpmemap.ca/why_the_west_bank_is_occupied_and_not_just_disputed