L'article utilise un langage qui minimise la brutalité de la situation à Gaza et la responsabilité d'Israël

"Ce langage nébuleux peut porter à confusion vos lecteurs alors qu’il insinue une symétrie de pouvoir entre le Hamas et Israël et que les victimes sont autant Israéliennes que Palestiniennes ce qui n’est pas le cas."


26 Mars, 2024

À:

Vincent Larin, Journaliste, La Presse  

Stéphanie Grammond, Éditorialiste en chef, La Presse

Violaine Ballivy, Directrice des actualités et informations générales, La Presse

Chers Vincent Larin, Stéphanie Grammond et Violaine Ballivy,

Je vous écris pour vous demander d’apporter des changements à l’article : « Une large coalition réclame un cessez-le-feu à Montréal », publié le 23 mars, dans La Presse.

J’apprécie le fait que vous ayez couvert la manifestation pro-palestinienne qui eut lieu samedi 23 mars. Bien que les manifestations pro-palestiniennes ont lieu de manière récurrente depuis le début de la campagne militaire d’Israël ayant débuté le 7 octobre, elles ne font plus l’objet d’autant de couverture médiatique.

Cependant, bien que vous ayez accordé une plateforme aux manifestants et à leurs revendications, vous utilisez un langage qui amoindrit la brutalité de la situation à Gaza et la responsabilité d’Israël.

Vous écrivez : « Tour à tour, les orateurs ont évoqué les scènes d’horreur qui parviennent quotidiennement de l’enclave palestinienne, où plus de 32 000 personnes seraient mortes depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, le 7 octobre. »

Vous écrivez aussi trois autres fois le mot « conflit » au cours de l’article.

Écrire « personnes » efface le fait que ce sont des Palestinien.ne.s. Écrire « mortes » minimise la brutalité de leur mort infligée par Israël et l’étendue de sa campagne militaire. Israël a tué des civils à Gaza avec des tactiques et des équipements militaires, en plus de missiles et de bombes. Les Palestiniens de Gaza sont pris pour cible et tués par des frappes aériennes, des tirs d'armes à feu et des chars d'assaut, ainsi que par des conditions fatales causant la mort : manque de médicaments, famine, déshydratation et malnutrition. Écrire « mortes » minimise donc les actions d’Israël qui sont désormais catégorisées de plausible génocide par la Cour internationale de Justice (CIJ). Enfin, écrire « depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, le 7 octobre » fait fi du contexte d’apartheid, d’occupation et de nettoyage ethnique qui existait bien avant le 7 octobre et dont le 7 octobre n’est qu’une continuation.

Ce langage nébuleux peut porter à confusion vos lecteurs alors qu’il insinue une symétrie de pouvoir entre le Hamas et Israël et que les victimes sont autant Israéliennes que Palestiniennes ce qui n’est pas le cas.

Je vous suggère dont de changer la phrase pour la suivante : « où plus de 32 000 Palestiniens ont été tués par Israël depuis le lancement de sa campagne militaire le 7 octobre » et de remplacer le mot « conflit » par les mots : « campagne militaire d’Israël ». 

Les citations de Diane Lamoureux, une membre du conseil d’administration de la Ligue des droits et libertés, et Ruba Gazal, la députée solidaire, aux paragraphes suivants prendraient tout leur sens.

En guise de conclusion, dans le futur, il serait aussi nécessaire d’inclure plus de contexte sur la situation en Palestine et la « complicité » du Canada pour que les lecteurs comprennent encore plus l’importance des manifestations pro-palestiniennes ainsi que les revendications des manifestants.

J’espère que La Presse apportera ces changements et considérera mes suggestions dans sa future couverture médiatique des manifestations locales en réactions à la situation à Gaza.

Si vous le souhaitez, vous pouvez me contacter au 438-380-5410 pour plus d'informations.

Cordialement,

Fatima Haidar,

Analyste des médias, Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient