Manquement aux obligations journalistiques dans une chronique

"En ces temps où la division et la haine anti-palestinienne sont à l’heure, il faut éviter de répandre des informations non fondées qui ne font que les attiser. Malheureusement, cette chronique en fait partie et il est de votre devoir journalistique de vérifier les faits et de faire attention à ce que vous publiez."


Octobre 16, 2023

À:

Karine Tremblay, La Tribune

Marie-Claude Lortie, Rédactrice en chef, Le Droit

Chères Karine Tremblay et Marie-Claude Lortie,

Je vous écris pour souligner mon inquiétude par rapport à la chronique « Une nuit qui n’en finit plus », publiée le 16 octobre, dans Le Droit.

Cette chronique met en avant les propos de Madame Myriam Azogui Halbwax, une québécoise d’origine française qui habite Israël depuis sept ans, et mère de trois filles, dont une fille de 19 ans dans l’armée israélienne.

Vous lui donnez une tribune après les événements du samedi 7 octobre, sauf que même s’il s’agit d’événements douloureux, surtout pour les gens directement concernés, les mots ont un poids qu’il ne faut pas négliger et le choix des mots est important.

En ces temps où la division et la haine anti-palestinienne sont à l’heure, il faut éviter de répandre des informations non fondées qui ne font que les attiser. Malheureusement, cette chronique en fait partie et il est de votre devoir journalistique de vérifier les faits et de faire attention à ce que vous publiez.

À deux reprises, vous citez Madame Myriam Azogui Halbwax disant que Hamas a violé des gamines ou enfants et qu’il a massacré des enfants. La première citation est la suivante : « … Ils ont violé des gamines, ils ont massacré des enfants. » La deuxième citation est la suivante : « … pendant qu’il viole vos enfants ». Cependant, il n’existe encore aucune preuve pour avérer ses paroles et vous n’en présentez pas. Un article du Los Angeles Times a été modifié pour supprimer la référence à cette allégation, car elle n'a pas été prouvée. Le Times of Israel indique également que bien qu'il y ait des raisons d'enquêter sur cette allégation, il n'y a pas encore de preuves.

Prendre ses paroles pour fait et ne pas préciser qu’il n’y a pas de preuves est un grave manquement à vos obligations journalistiques.  

Vous devriez corriger l'article et ajouter une note de l'éditeur pour préciser que les affirmations selon lesquelles le Hamas « a violé des gamines/enfants » et « massacré des enfants » ne sont pas corroborées.

Ensuite, encore une fois, vous citez, à deux reprises Madame Myriam Azogui Halbwax disant que Hamas veut la fin des Juifs et que les soutenir, c’est soutenir des Nazis. La première citation est la suivante : « Ce que veut le Hamas, ce n’est pas la fin d’Israël, c’est la fin des Juifs. » La deuxième citation est la suivante : « Soutenir le Hamas, là, aujourd’hui, c’est soutenir des nazis. »

Encore une fois, l’usage de tels mots ne fait qu’attiser la haine anti-palestinienne et associe toute forme de résistance à Israël à une cause antisémite ce qui ne fait que la décrédibiliser. Beaucoup de Palestiniens ne plaident que pour la libération de la Palestine et un cessez-le-feu.

Vous devriez corriger l'article et ajouter une note de l'éditeur pour préciser que les affirmations selon lesquelles le Hamas « veut la fin des Juifs » et que le soutenir « c’est soutenir des nazis » ne sont pas vraies et que la plupart des Palestiniens ne veulent que la libération de la Palestine et un cessez-le-feu.

Par respect pour vos obligations journalistiques et pour éviter de jeter plus d’huile sur le feu du racisme anti-palestinien, vous devriez ajouter ces informations.

Si vous le souhaitez, vous pouvez nous contacter au 438-380-5410 pour plus d'informations.

Cordialement,

Fatima Haidar,

Analyste de médias, Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient