"Il est de votre devoir journalistique et l’intégrité de vos lecteurs d’ajouter ces éléments et de nuancer votre couverture médiatique pour ne pas ajouter du feu sur la haine anti-palestinienne."
23 Octobre, 2023
À:
Maxime Bertrand, Directrice des Relations citoyennes, Service de l'information, Radio-Canada
Andrea Baillie, Rédactrice en chef, La Presse canadienne
Tim Cook, Rédacteur en chef, La Presse canadienne
Chers Maxime Bertrand, Andrea Baillie et Tim Cook,
Je vous écris pour souligner mon inquiétude par rapport à l’article : « Le Canada conclut qu’Israël n’est pas responsable du bombardement d’un hôpital à Gaza », publié le 21 octobre, sur le site de Radio-Canada.
Je voudrais attirer votre attention sur une grande lacune de votre article, soit celle de ne pas donner le contexte de l’examen indépendant effectué par l’armée canadienne pour découvrir qui est le responsable de l’attaque du 17 octobre sur l’hôpital Al-Ahli à Gaza.
Vous écrivez : « Ottawa a conclu avec un « haut degré de confiance » qu’Israël n’a pas tiré sur l’hôpital Al-Ahli dans la ville de Gaza le 17 octobre » et que « le scénario le plus probable est que la frappe ait été causée par une roquette tirée à partir de Gaza, contrôlée par le Hamas ».
Or, nous avons très peu d'informations sur cet examen et il y a un gros degré de certitude que le Canada ne fait que relaxer les renseignements d’Israël et de ses alliés alors que vous écrivez vous-même que « la déclaration d’Ottawa survient quelques jours après que les États-Unis ont fait part que leur propre examen avait révélé qu’Israël n’était pas responsable. »
En effet, de multiples enquêtes préliminaires et indépendantes ont abouti à la conclusion inverse. Channel 4 a révélé que des aspects essentiels des « preuves », communiquées par Israël au public, sont frauduleux et contradictoires. Les analyses visuelles et sonores effectuées par Forensic Architecture, Al-Haq et l'ONG earshot, qui ont examiné le cratère d'impact et la fréquence sonore du projectile, « jettent un doute important sur les affirmations de l'armée israélienne selon lesquelles la source de l'explosion meurtrière était une roquette tirée par un Palestinien qui se déplaçait de l'ouest vers l'est ». Une enquête numérique menée par Al Jazeera « n'a trouvé aucun fondement » à l'affirmation selon laquelle l'explosion a été « causée par un lancement de roquette raté ».
Ces enquêtes ne sont pas concluantes, tout comme l'examen de l'armée canadienne, étant donné qu'Israël a refusé l'accès au site de l'attaque.
De plus, le samedi 14 octobre, quelques jours avant le massacre, le même hôpital avait été touché par une frappe israélienne qui avait endommagé la salle d'échographie et de mammographie et blessé quatre travailleurs de la santé. Au cours des trois jours suivants, l'hôpital a reçu plusieurs avertissements par téléphone ordonnant au personnel de l'hôpital d'évacuer. Depuis le 19 octobre, les attaques israéliennes ont endommagé 19 hôpitaux et 23 ambulances, tuant 16 travailleurs de la santé.
Votre couverture médiatique ne fait que jeter le blâme sur les Palestiniens et les décrédibiliser.
Je vous suggère donc d’ajouter le paragraphe suivant:
De multiples enquêtes préliminaires et indépendantes, de Channel 4, Forensic Architecture, Al-Haq et l’ONG earshot et Al Jazeera ont abouti à la conclusion inverse. Comme ces enquêtes, l’examen de l’armée canadienne n’est pas concluant étant donné qu’Israël a refusé l’accès au site de l’attaque.
Il est de votre devoir journalistique et l’intégrité de vos lecteurs d’ajouter ces éléments et de nuancer votre couverture médiatique pour ne pas ajouter du feu sur la haine anti-palestinienne.
J’espère que Radio-Canada et La presse canadienne ajouteront ces éléments et amélioreront leur couverture des événements en Israël-Palestine.
Si vous le souhaitez, vous pouvez me contacter au 438-380-5410 pour plus d'informations.
Cordialement,
Fatima Haidar,
Analyste de médias, Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient